Les origines, la SCMM, les CAB et MOBILOR…

Cet article est une ébauche réalisée à partir des informations que nous avons pu réunir à ce stade, il sera complété progressivement avec les nouveaux éléments que nous aurons réussi à collecter. Malheureusement, le dossier de la société est manquant aux Archives de la Ville de Paris ce qui réduit considérablement les informations disponibles. Aidez-nous !

Le développement

La création de la Société de Construction de Mobilier Métallique (SCMM) est enregistrée le 16 août 1934, il s’agit d’une société à responsabilité limitée au capital de 100 000 francs dont le siège est au 9, Rue Camille Desmoulins à Paris dans le XIème arrondissement. La société a pour associé mentionné, la Société Mobilière et Textile de Canteleu dont le siège est au 4, Rue Paul Baudry à Paris dans le VIIème arrondissement. Le gérant de la SCMM est M. Pierre Bès de Berc1, ingénieur diplômé de l’Ecole des Mines, résidant au 19, Rue de la Rochefoucauld à Paris2.

Louis Nicolle, député du département du Nord et important homme d’affaires dans le secteur du textile qui sera également ministre de la Santé, est l’administrateur de la Société Mobilière et Textile de Canteleu et le fondateur associé de la SCMM3. Les adresses indiquées sont : 293, Avenue de Dunkerque à Lomme près de Lille et 4, Rue Paul Baudry à Paris.

Louis Nicolle, Ministre de la Santé. Agence Meurisse (domaine public — BNF)

Selon les recherches de Brigitte Durieux, grande spécialiste du mobilier industriel : « La SCMM fait l’acquisition, en 1934, de la société SOMBA qui avait elle-même repris les locaux de Magny-en-Vexin ainsi que les brevets de La Chaiserie Française à laquelle s’était précédemment joint la manufacture de chaise de Paul Collet qui en devient administrateur adjoint »4. Paul Collet est l’inventeur de la célèbre chaise STABILA. Il quittera rapidement l’entreprise après son rachat par la SCMM.

La Chaiserie Française avait repris le logo de Paul Collet : une mappemonde sur une chaise en bois courbé (type Thonet). Un peu modifié, ce logo devient celui de la SOMBA, de la SCMM et enfin de la marque puis société MOBILOR. 

Avec le soutien de l’Union des Artistes Modernes (U.A.M.), le Salon d’Automne de 1936 et le Salon des Arts Ménagers de 1937, à Paris, sont l’occasion de deux expositions de mobilier scolaire en acier. Le célèbre architecte René Herbst (concepteur) et la SCMM (fabricant) présentent un bureau/pupitre réalisé pour l’exposition5.

Le 1er janvier 1937, la SCMM est mentionnée dans le cadre d’une vente de mobilier métallique au profit du sanatorium départemental du Petit Arbois dans les Bouches du Rhône6. Son siège est alors toujours au 9, Rue Camille Desmoulins à Paris.

Le jeune et talentueux Jacques Hitier7 quitte l’atelier Primavera des magasins du Printemps en 1937 pour intégrer la SCMM. Il est engagé par un ami de la famille, Hippolyte Huffling, qui cherche un dessinateur pour orienter la production de la société vers le mobilier scolaire. La SCMM édite ses premiers meubles et c’est probablement à ce moment que la marque MOBILOR est créée.

Logo de la marque MOBILOR (MUNAE)

En 1938, Hippolyte Huffling devient le directeur de la SCMM, le siège social de la société s’installe au 36 Rue Desrenaudes dans le XVIIème arrondissement de Paris. A cette époque, sur les documents commerciaux, seule l’usine de Magny-en-Vexin est mentionnée.

La SCMM est exposant au Salon des Arts Ménagers de 1939, section de l’économe – exposition de l’habitation8.

Pendant la guerre, afin de maintenir son activité, la société développe des produits adaptés aux besoins du moment : notamment des remorques de vélos, des brancards et des remorques pour brancards. Ces produits sont essentiellement destinés à la Défense Passive.

La maturité

La marque MOBILOR apparaît en 1945 dans une publicité de la revue de la marine nationale Cols Bleus9 comme fabricant de meubles par éléments. Il s’agit de la mention de la marque la plus ancienne que nous ayons pu trouver jusqu’à présent.

En 1947, l’usine Rateau au Pré-St-Gervais est cédée en partie à la SCMM. L’atelier d’outillage, surmonté de bureaux, est alors élevé à la place d’une ancienne remise.

La marque MOBILOR est présente aux différents Salons des Arts Ménagers ainsi qu’à certaines éditions des expositions de l’association Formes Utiles issue de l’UAM.

En 1949, la SCMM est absorbée par les Chantiers et Ateliers de Bourgogne (CAB) qui, lors de cet opération, prennent pour nom de société MOBILOR, la marque précédemment exploitée par la SCMM. La société s’installe dans l’usine de la Rue Carnot au Pré St Gervais.

Logo des Chantiers et Ateliers de Bourgogne (Coll. privée)

Dès 1950, une annonce dans France Soir mentionne une recherche d’emploi pour la société MOBILOR, localisée au 30 Rue Carnot, Le Pré-St-Gervais.

A partir de la fusion, trois usines sont mentionnées sur les documents : celle de la SCMM à Magny-en-Vexin, celle des CAB à Tonnerre et celle de MOBILOR au Pré St Gervais10.

Le 8 octobre 1951, la raison sociale « Chantiers et Ateliers de BOURGOGNE » est définitivement abandonnée au profit de «Société MOBILOR»11. De nouvelles actions de la société sont émises à ce nom. Pourtant dans les années qui suivent, on trouve encore des publicités qui mentionnent MOBILOR et CAB conjointement.

Action de la nouvelle SA MOBILOR (Coll. privée)

En 1954, une extension des locaux de l’usine du Pré St Gervais est réalisée : l’atelier de montage, composé de trois halles accolées (pans de fer hourdés de briques) coiffées d’une charpente métallique dont la finesse des supports permet de dégager l’espace intérieur ; la lumière est distribuée dans l’atelier par de larges lanterneaux vitrés12. Une toute nouvelle chaîne de peinture ainsi que de nouvelles presses et bancs de soudure sont installés dans l’usine du Pré St Gervais.

Le déclin13

Au début des années 60, l’entreprise de quincaillerie Guitel est à l’étroit dans ses locaux et se tourne vers Mobilor, qui occupe l’usine de l’autre côté de la rue Carnot au Pré St Gervais. Les pourparlers s’engagent en 1960 et sont facilités par le fait que François Girod est administrateur des deux entreprises14

La société MOBILOR fait face à des difficultés financières. Le marché des meubles scolaires s’amenuise progressivement avec la fin de la reconstruction et la gamme de meubles pour particuliers, notamment la gamme développée au début des années 50, ne suffit pas à faire vivre la société. Les commandes de mobiliers scolaires sont trop irrégulières et les possibilités de stockage du Pré St Gervais limitées. MOBILOR, même si elle a acquis une réelle notoriété dans son secteur d’activité, à du mal à se développer. 

Les assemblées générales des 10 et 27 juillet 1961 actent la fusion de MOBILOR et Guitel qui sera effectivement réalisée au début de l’année 1962. François Girod devient président de GUITEL ETIENNE – MOBILOR.

Après une courte période de résistance, les biens de MOBILOR sont finalement liquidés, l’usine de Magny-en-Vexin et celle de Tonnerre sont vendues. La vague de licenciements ne laissera subsister qu’une quinzaine d’employés (les dessinateurs et le comptable). En février 1963, les services administratifs de Guitel-Etienne s’installent dans des locaux vidés de leurs employés. Même si le nom de MOBILOR est conservé dans l’intitulé de l’entreprise jusqu’en 1999, la fabrication de mobilier n’entre plus désormais dans le cadre de ses activités.

En 1999, la société GUITEL ETIENNE – MOBILOR abandonne la mention de MOBILOR dans son énoncé commercial.

  1. Pierre Bès de Berc est l’époux de Marguerite, fille de Louis Nicolle, leur mariage a eu lieu au cours de la première quinzaine de décembre 1926. ↩︎
  2. Les Echos du 22 juin 1934. ↩︎
  3. Les documents politiques, diplomatiques et financiers du 01 février 1936.  ↩︎
  4. L’activité chaisière à Magny en Vexin » Françoise Waro et Brigitte Durieux in Tome 102 des Mémoires de la société historique de Pontoise. Recension dans Arts &Métiers MAG N°430 d’octobre 2021. ↩︎
  5. Hors série de la revue Acier de janvier 1937 sur le mobilier scolaire. C’est probablement en s’appuyant sur cette collaboration que la chaise C27 a été attribuée à René Herbst. ↩︎
  6. Rapport général des délibérations du Conseil Général des Bouches du Rhône de 1937. ↩︎
  7. https://jacqueshitier.com ↩︎
  8. Numéro du 1er février 1939 de la revue de l’Art Ménager, revue officielle du Salon des Arts Ménagers.  ↩︎
  9. Cette publicité permet de lever l’hypothèse qui voudrait que le nom MOBILOR n’ait été adopté qu’en 1949, lors du rachat de la SCMM par les Chantiers et Ateliers de Bourgogne (CAB). ↩︎
  10. France Soir du 7 juin 1950. ↩︎
  11. L’information, presse économique, politique et financière du 11 octobre 1951.  ↩︎
  12. Archives départementales de la Seine St Denis : Analyse du site de l’usine Mobilor / Dossier d’œuvre architecture IA93000552 réalisé par Pierrot Nicolas. ↩︎
  13. Cette partie se fonde essentiellement sur l’encart très détaillé portant sur MOBILOR du livre de commande « Guitel, en marche vers l’avenir » écrit par Véronique Lefebvre et publié chez Albin Michel en 1997. ↩︎
  14. PERLÈS Valérie (dir.), Le Pré entre Paris et banlieue. Histoire(s) du Pré Saint-Gervais, Paris, Créaphis, 2005, 244 p. ↩︎